Hector Berlioz
Œuvres vocales



Le Ballet des ombres (1829)

Albert-Marie Du Boys, d’après Herder
‘Tis now the very witching time of night,
When churchyards yawn, and hell itself breathes out
Contagion to this world...
Shakespeare, Hamlet

Formez vos rangs, entrez en danse
L’ombre descend, le jour s’enfuit.
Ombres, votre règne commence
Dans la sombre horreur de la nuit.
Lorsque le souffle des orages
Agite les vertes forêts,
Il vient aussi dans nos bocages
Faire frémir les noirs cyprès.

Formez vos rangs, entrez en danse,
Ombres, prenez-vous par la main,
Troublez cet auguste silence
Qui règne sur le genre humain!
Pour les rangs point de jalousie,
Ombres de bergers et de rois!
Oubliez que l’orgueil, l’envie
Vous divisèrent autrefois!

L’un n’éprouva que des traverses;
Dans le bonheur l’autre vécut.
Tous ont pris des routes diverses
Pour venir tous au même but.
Ombres, oubliez de la terre
Et les plaisirs et les travaux!
Formez une danse légère
Qui courbe à peine les pavots!

Formez vos rang, entrez en danse!
Mais la lune se lève et luit.
Gagnons l’Élysée en silence,
Et rendons le calme à la nuit!
Mortels, lorsque dans les nuits sombres
Notre voix vous réveillera,
Songez bien qu’à la voix des ombres,
Un jour, la vôtre s’unira!

Pourquoi nous craindre, enfants des hommes?
Ce que vous êtes nous l’étions,
Et vous serez ce que nous sommes.
Au revoir! nous nous reverrons!


Chant sacré ( 1844 )

Chant Sacré ou Hymne Sacré d'Hector Berlioz fut la toute première œuvre comportant un saxophone. Cette partition aujourd'hui disparue était sans doute une transcription d'une œuvre vocale d'Hector Berlioz, intitulée Chant Sacré. Écrite pour un sextuor à vent d'instruments d'Adolphe Sax, elle comportait 2 trompettes, 1 bugle, 2 clarinettes et 1 saxophone basse en mib (le baryton actuel). Il est à noter que le tout premier saxophone construit était un saxophone grave.

La création de cette pièce eut lieu à Paris le 3 février 1844, pour un parterre de musiciens et de journalistes. Un des chroniqueurs de l'époque rapporte qu'Adolphe Sax assurant la partie de saxophone baryton (qui n'était encore qu'un prototype, certaines clefs ne tenaient qu'avec des ficelles !!) s'arrêta sur un son, le diminua, puis l'enfla à l'extrême. On prétexta que Sax ne se souvenait plus du doigté de la note suivante! (il était un clarinettiste virtuose!). Mais n'était-ce pas là un moyen de faire découvrir les possibilités inouïes de ce nouvel instrument ? Source: http://fr.wikipedia.org/


La mort d'Ophélie ( 1847 )

Ballade

Ernest Legouvé, d’après Shakespeare

Auprès d'un torrent Ophélie
Cueillait, tout en suivant le bord,
Dans sa douce et tendre folie,
Des pervenches, des boutons d'or,
Des iris aux couleurs d'opale,
Et de ces fleurs d'un rose pâle
Qu'on appelle des doigts de mort.

Ah!

Puis, élevant sur ses mains blanches
Les riants trésors du matin,
Elle les suspendait aux branches,
Aux branches d'un saule voisin.
Mais trop faible le rameau plie,
Se brise, et la pauvre Ophélie
Tombe, sa guirlande à la main.

Quelques instants sa robe enflée
La tint encor sur le courant
Et, comme une voile gonflée,
Elle flottait toujours chantant,
Chantant quelque vieille ballade,
Chantant ainsi qu'une naïade
Née au milieu de ce torrent.

Mais cette étrange mélodie
Passa, rapide comme un son.
Par les flots la robe alourdie
Bientôt dans l'abîme profond
Entraîna la pauvre insensée,
Laissant à peine commencée
Sa mélodieuse chanson.

Ah!

La mort d'Ophélie a longtemps traîné une réputation de bluette, à cause de son appellation de ballade, et parce qu'on n'y reconnaissait pas l'auteur du Sabbat, du Tuba mirum et des ouvertures de concert. Mais n'en déplaise à Claude Ballif dans sa monographie, Hector Berlioz a de multiples visages, et la mort d'Ophélie fait justement partie des chefs d'œuvres d'innocence, de grâce et de naïveté, parmi lesquels on peut ranger également Sara la baigneuse ou l'adorable Prière du matin. La réussite du volet central de Tristia tient, je crois, à un parfait équilibre entre cette innocence, un voile délicieux de tristesse et la perfection inspirée d'une inoubliable mélodie. Peu importe, alors, si la traduction d'Ernest Legouvé ne retrouve pas la poésie de Shakespeare : il y a tant de poésie dans la musique de Berlioz ! Ajoutons que cette œuvre fut composée en 1842 pour voix et piano, et arrangée six années plus tard pour chœur de femmes et orchestre : c'est cette dernière version que l'on donne les rares fois où l'on interprète Tristia dans sa continuité.
Source: Jean-Philippe Dartevel (http://www.abeilleinfo.com/)